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A Scene at the Sea

de Takeshi Kitano



Japon, 1991, 1h41, VOSTF
avec Kuroudo Maki, Hiroko Oshima, Sabu Kawahara
 

A Scene at the Sea
A Scene at the Sea
Shigeru, jeune éboueur sourd et muet, trouve un jour, lors de sa tournée, une planche de surf abîmée qu’il entreprend de réparer pour défier les vagues. D’abord maladroit, il progresse rapidement, observé par Takako, sa petite amie, sourde également, qui l’accompagne de sa bienveillance dans cette nouvelle passion. Délaissant ponctuellement les polars qui ont marqué ses débuts de réalisateur (Violent Cop et Jugatsu), Takeshi Kitano, personnalité hors-normes des médias et du cinéma japonais, dont quelques œuvres ont marqué les années 1990 (Sonatine, Hana-bi), proposait avec A Scene at the Sea la quintessence de son style minimaliste. L’absence de dialogues laissant place à la partition musicale de Joe Hisaïshi, l’importance du hors-champ, le regard affectueux mais tragique pour des personnages singuliers y composent alors un récit et une mise en scène entièrement tournés vers la mer et la difficulté de l’apprivoiser.
 

Troisième film de Kitano A Scene at the Sea ne sort en France que huit ans après son exploitation au Japon. On aura vu avant sur les écrans français Sonatine (1993) et Hana-Bi (1997). Ici plus question de la violence des yakuzas, une délicate poésie du quotidien porte le film dont le titre original pourrait se traduire par "Cet été, la mer la plus silencieuse". Minimaliste et soustractif le film tient le spectateur dans la contemplation de Shigeru et sa compagne Takako ainsi que des personnages qui les entourent sans leur assigner une psychologie. On les regarde vivre, scruter la mer et les surfeurs dans des plans fixes et frontaux qui ne dialoguent souvent que de façon secondaire avec leur contre-champ. La caméra filme en plan moyen celle ou celui qui regarde et c’est à travers les expressions de son visage que le spectateur imagine ce qui est contemplé, bien davantage que grâce au contre-champ. Souvent dans ce second plan, le cadre est plus large et l’action insignifiante.

Le cinéaste semble refuser toute dramatisation, il ne traite aucun élément de son scénario comme un rebondissement potentiel. Les progrès de Shigeru en surf font à peine l’objet de quelques images et lorsqu’il remporte un trophée lors d’une compétition on ne voit ni ses exploits ni la remise du prix. L’intérêt de Kitano et du film sont ailleurs, il nous faut suivre les regards des uns et des autres qui se constituent mutuellement une existence. Par un effet de répétitions le cinéaste situe les points de vue : dans ces travellings latéraux récurrents sur Shigeru et Takako se rendant à la plage ils sont observés par deux jeunes hommes qui à force d’assister à ces départs pour la plage, planche sous le bras, finiront eux aussi par se laisser tenter par le surf. L’espace est composé de lignes de fuite et les dimensions horizontales (la plage) et verticales (profondeur de champ) alternent comme autant de repères pour situer les protagonistes dans l’espace défini de leur quotidien.

Gravité et burlesque se côtoient dans le film. Le point de bascule qu’on taira pour ne pas trahir l’oeuvre, continue à entraîner le spectateur sur des chemins inattendus et loin de tout pathos. Quant aux touches de comique, elles traversent le film avec les petites manies des personnages qui finissent en running gags légers dans une sobriété de paroles qui évoque subtilement le cinéma muet. Shigeru et Takako sont sourds muets, il fallait donc imaginer un univers sonore tout en retenue. Pour sa première collaboration avec Kitano, Joe Hisaishi a composé une bande originale aux thèmes épurés mêlant synthétiseur, piano, violoncelle et parfois une voix féminine. Dans cet art total qu’est le cinéma selon Kitano, on ne s’étonnera pas de noter le soin qu’il porte au choix des couleurs. Petites tâches bleues et oranges qui se répondent : sur le premier surf trouvé par Shigeru et les tenues de son amie Takako. Pendant une longue première partie du film la jeune fille ne porte que de l’uni, plus tard elle égayera ses vêtements de fleurs multicolores quand Shigeru lui s’équipera de combinaisons de surf aux couleurs vives. Le bleu de la mer est présent dès les premières images mais aussi et surtout sur le camion benne, les vêtements de travail du jeune homme et de son collègue et les sacs poubelles qu’ils ramassent.

Comme le promet le titre, l’océan Pacifique est omniprésent en arrière plan des routes qui longent la côte, les plages de Yokosuka et Yugawara, la traversée en ferry de la baie de Sagami. On peut néanmoins s’étonner du sable si foncé, d’un gris presque noir, qu’on découvre sur la plage de Yokosuka. Les escaliers de béton d’où les personnages descendent sur le rivage sont accrochés à des murs tristes et sombres chargés de tuyaux. La poésie ne se trouve résolument pas dans ce paysage quasi industriel mais bien dans l’univers mental et intime des protagonistes. La ligne d’horizon est en eux, inutile d’aller la chercher ailleurs… Un film surprenant, épuré et d’une grande tendresse qui invite à la réflexion.

Céline Soulodre, Guy Fillion



Séances

Cinéma Éden 3, Ancenis
Mardi 18 janvier 2022 à 20:30

Cinéma Victoria, Campbon
Mardi 8 février 2022 à 20:30

Montluc Cinéma, Saint-Etienne-De-Montluc
Mardi 8 mars 2022 à 20:45

Cinéma Le Gén’éric, Héric
Jeudi 10 mars 2022 à 20:30

Ciné-Vaillant, Vertou
Jeudi 17 mars 2022 à 20:00

Cinéma Lutetia, Saint-Herblain
Dimanche 10 avril 2022 à 18:00

Cinéma Saint Joseph, Sainte-Marie-Sur-Mer
Jeudi 21 avril 2022 à 20:30

Cinéma Pax, Le Pouliguen
Lundi 16 mai 2022 à 21:00

Ce film a été programmé dans les cinémas associatifs suivants :
Cinéma Saint-Michel, Saint-Michel-Chef-Chef (2021)
Cinéma Le Montagnard, La Montagne (2021)
Cinéma Le Cep, Vallet (2021)
Cinéma Bonne Garde, Nantes (2021)