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L'Amant d'un jour

de Philippe Garrel



France, 2017, 1h16
avec Eric Caravaca, Esther Garrel, Louise Chevillotte

Film soutenu par le GNCR

L'Amant d'un jour
L'Amant d'un jour
C’est l’histoire d’un père et de sa fille de 23 ans qui rentre un jour à la maison parce qu’elle vient d’être quittée, et de la nouvelle femme de ce père qui a elle aussi 23 ans et vit avec lui.
- L’Amant d'un jour est le troisième volet d'une trilogie, après La Jalousie et L'Ombre des femmes.
Oui, j’avais déjà fait un triptyque avec La Cicatrice intérieure, Athanor et Le Berceau de cristal : c’était fait pour faire une séance de cinéma, de 2h45. Ça a eu lieu une fois, à Chaillot. Pour une rétrospective, ils m’avaient demandé quel cadeau ils pouvaient me faire, et j’avais demandé deux séances gratuites, une de La Cicatrice intérieure et une de Marie pour mémoire, et de faire une séance avec les trois films d’affilée, sans rallumer la lumière. Avant ça, Athanor avait été attaqué, un critique avait dit que je me heurtais à un mur, à l’évidence que le cinéma, c’est du mouvement. La Cicatrice, c’était des travellings et de la musique, Athanor c’était du silence et de plans fixes et ensuite on reprenait Le Berceau, avec la musique d’Ash Ra Tempel. Donc Athanor marchait bien comme interlude entre deux parties d’un concert. Mais là c’est une trilogie, ce n’est pas fait pour être projeté ensemble.

- Ça vous est apparu quand, que vos trois derniers films formaient une trilogie ?
En préparant le deuxième. J’ai fait La Jalousie et j’ai vu que le prototype marchait. Le film faisait 1h15 : ¼ d’heure de moins, c’est ¼ d’heure de moins à produire. Mais il y a plein d’exemples de films courts dans l’histoire du cinéma : personne ne se souvient que Le Cuirassé Potemkine fait 1h05. Donc j’ai gardé le même prototype et je l’ai reproduit trois fois – un film de 1h15 tourné en 21 jours. Et en Scope noir-et-blanc.

- Par-delà cette dimension économique, la trilogie s'est-elle engendrée à partir de motifs thématiques ?
Comme spectateur j’aime autant les autres arts que le cinéma. Je ne suis pas plus cinéphile qu’amateur de peinture. Mais il y a une chose que j’ai fait à long terme dans ma vie, c’est lire Freud. J’ai dû commencer en 1975. Au Conservatoire, je leur fais apprendre depuis plusieurs années les deux rêves de Dora, ou le rêve de l’homme aux loups. Quand je fais un film – c’est pour ça que j’adore Bergman, presque autant que Godard – il y a un devoir freudien que je me colle à moi-même. Dans La Jalousie, je voulais traiter de la névrose chez la femme ; dans L’Ombre des femmes, la libido chez la femme ; dans L’Amant d’un jour, l’inconscient chez la femme. Dans L’Amant d’un jour, je voulais parler du complexe d’Electre, c’est-à-dire le pendant féminin du complexe d’Œdipe, même si ce n’est pas complètement symétrique. Electre a fait tuer sa mère, Clytemnestre, parce qu’elle s’était remariée avec un autre homme. Dans le film, c’est l’histoire d’une amitié consciente entre une jeune fille et sa jeune belle-mère qui a le même âge qu’elle, et comment l’inconscient de cette jeune fille la pousse à se débarrasser de cette rivale pour le père. Ce n’est pas très important de comprendre ça mais c’est comme ça que je l’ai bâti.

Entretien réalisé par Stéphane Delorme, Les Cahiers du Cinéma


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