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L'Aventure de Mme Muir

de Joseph L. Mankiewicz



USA, 1948, 1h44, VOSTF
avec Gene Tierney, Rex Harrison, George Sanders

L'Aventure de Mme Muir
L'Aventure de Mme Muir
En Angleterre, au début du XXe siècle, Lucy Muir, une jeune veuve, décide de s’installer au bord de la mer avec sa fille et sa servante, dans un cottage réputé hanté. La jeune femme ne tarde pas à recevoir la visite du fantôme de l’ancien propriétaire, le capitaine Daniel Gregg, un vieux loup de mer bourru et maladroit.
 
Mankiewicz, qui signera plus tard des chefs d’oeuvre comme Chaines conjugales, Eve, La Comtesse aux pieds nus ou Le Limier, en fournit un premier avec ce qui est son quatrième film. Il l’aborde modestement : "Je souhaitais vivement mettre en scène des films que je n’aurais pas écrits. J’ai écrit des petits bouts de dialogue sans toucher au script. Je voulais apprendre mon métier." Il met donc en scène un scénario de Philippe Dunne, adapté d’un roman de R.A. Dick, pseudonyme de Joséphine A.C. Leslie.

La ville et le bord de mer. Au cadre étriqué du Londres de l’époque victorienne et de ses personnages tout aussi étriqués qu’il coince dans des plans rapprochés, il oppose l’amplitude de la côte, de la baie, des pentes paisibles qui relient jardins et terrasses au littoral et où, à l’occasion, paissent des moutons (la côte d’Angleterre étant ici avantageusement représentée par celle de Monterey, Californie). Littoral où l’héroïne peut tout autant se baigner en costume d’époque qu’y marcher des années durant, en y continuant son rêve.

Car c’est d’abord un paysage mental. Jeune femme en rupture de ban d’une société étouffante, jeune femme moderne qui se veut du tout nouveau XXème siècle et dont l’allure rappelle celle des suffragettes, elle trouve là ce qui correspond à ses aspirations les plus profondes dont celle que lui apporte la mer, présente jusque dans l’intimité de sa maison par l’immense baie vitrée qui laissera passer l’incarnation de ses rêves. Rarement fantôme cinématographique aura été autant la projection de désirs intimes. Mankiewicz s’inscrit très naturellement dans la tendance du cinéma hollywoodien fortement influencé par la psychanalyse freudienne. Et est-ce du mauvais esprit que de s’interroger sur le sens de cette longue vue inutile qui passe plusieurs fois dans le cadre ?

Le cadre. Jeu de la mise en scène qui s’appuie sur celui d’un tableau, plan fulgurant, image figée au regard étrangement présent. Là encore Mankiewicz s’inscrit brillamment dans une tendance du cinéma de l’époque qui fait de tableaux peints en couleur mais filmés en noir et blanc la matrice des rêves et des fantasmes. À commencer par le Laura de Preminger avec la même fabuleuse Giene Tierney et sans oublier La Femme au portrait de Lang ou Le Portrait de Jennie de Dieterle, entre autres. C’est aussi le tableau d’une baigneuse 1900 qui fournira à l’autre héros, l’homme de la mer, l’occasion d’exercer son Humour caustique à l’égard des bonnes moeurs de la respectable Angleterre, en rajoutant dans la crudité des termes, faisant faire au film un grand écart permanent sans hiatus aucun avec sa dimension romanesque, romantique et onirique. C’est elle qui l’emporte grâce à Bernard Herrmann dont la partition musicale, très lyrique, prolonge et amplifie les états d’âme de l’héroïne, comme pour un autre récit, encore plus profond : grâce à elle on n’oubliera pas, entre autres les plans tous simples de Lucia sur la plage.

Combinant avec grâce, fluidité et élégance tous ces éléments le "débutant" Mankiewicz a réalisé un des chefs d’oeuvre du cinéma hollywoodien.

Céline Soulodre, Guy Fillion



Séances

Cinéma Lutetia, Saint Herblain
Dimanche 30 janvier 2022 à 18:00

Ce film a été programmé dans les cinémas associatifs suivants :
Cinéma Le Montagnard, La Montagne (2021)
Cinéma Saint-Michel, Saint-Michel-Chef-Chef (2021)
Cinéma Saint Joseph, Sainte-Marie-Sur-Mer (2021)
Cinéma Pax, Le Pouliguen (2021)
Cinéma Le Gén’éric, Héric (2021)
Cinéma Éden 3, Ancenis (2021)