Le Plaisir du désordre

de Christian Rouaud



France-Belgique, 2016, 1h45, documentaire
avec Eve Bonfanti, Yves Hunstad

La Plaisir du désordre
Ils sont un couple qui est le noyau d’une troupe de théâtre La fabrique imaginaire produisant des pièces de théâtre fascinantes  basées sur un long travail d’improvisation. Christian Rouaud s’est appliqué, en 93 jours de tournage lui laissant 400 heures de film, à suivre ce passionnant travail de création dont il a su miraculeusement préserver l’esprit grâce à un montage qui relève de l’exploit. Une re-création à la hauteur de la création qui éclot sous nos yeux.
 
- Les films sur le théâtre sont nombreux, en quoi celui-ci est-il original ?

On a souvent filmé des mises en scènes, il s’agit ici de rendre compte de l’acte d’écriture lui-même. « Le plaisir du désordre » ne sera pas un film sur le théâtre mais bien le récit de ce par où et par quoi il faut passer pour arriver à écrire. Lorsque l’auteur est seul devant sa page blanche, on n’a aucun moyen d’approcher ce processus, si ce n’est par l’accès aux brouillons, aux remords, aux strates successives de l’écriture. Ici, il s’agit d’un dialogue: le processus va se dire, inévitablement. Les interrogations et les doutes seront formulés, on entendra Eve et Yves réfléchir, si je puis dire, parce que ce travail d’élaboration se fera dans un échange constant entre deux personnalités étonnantes, aussi fantasques qu’obstinées. On assistera à l’élaboration, forcément chaotique, d’un texte qu’on verra confronté à des publics, à sa propre logique narrative et finalement à notre regard de spectateur de cinéma. La difficulté sera de produire moi-même un récit qui se tienne, qui n’en reste pas à la captation de moments fugitifs et intenses, mais qui restitue la profondeur d’une démarche, dans sa dramaturgie, ses rebondissements et ses sursauts. Bref, de raconter à mon tour une histoire, qui se frotte à celle de la pièce sans s’y dissoudre.

Naturellement, le film proposera, en creux, un portrait singulier des deux protagonistes, acteurs du film en même temps qu’acteurs de la pièce en devenir, spectateurs l’un de l’autre, contraints à l’indulgence autant qu’à une exigence sans faille. Dans leurs mots, dans leurs gestes, dans leurs connivences anciennes ou leurs agacements, dans leurs rapports de force ou de tendresse, dans leurs silences, dans leur écoute ou dans les phrases inachevées, chacun lira peut-être l’écho d’une sensibilité particulière, la preuve évidente d’un trait de caractère, la complexité de deux âmes qui se cherchent, au théâtre comme dans la vie.

- L’affection pour les personnages, une caractéristique du cinéma de Christian Rouaud ?

C’est vrai que je ne sais filmer que des gens que j’aime, et vous aurez compris en ce qui concerne Yves Hunstad et Eve Bonfanti l’admiration se mêle à la tendresse, pour eux et pour leur démarche artistique. Ils sont de ceux, qui, sans avoir l’air d’y toucher, et toujours en souriant, nous font regarder le monde différemment, en soulevant simplement un petit coin de rideau rouge.

- Ce projet est très différent des « Lip » ou de « Tous au larzac »...

Ces films étaient des récits fondés sur la parole des protagonistes. Lorsque je commençais le tournage, je connaissais bien l’histoire de leurs luttes et je maîtrisais la conduite du récit parce que la dramaturgie était, d’une certaine façon, écrite à l’avance. Rien de tel pour « Le plaisir du désordre ». Je sais le travail exigeant et lumineux d’Eve et Yves, je suis certain de leur force poétique et de leur capacité à écrire des spectacles magnifiques, mais je m’engage avec eux sur un terrain inconnu. Je ne sais pas quelle pièce ils vont écrire, ni quel chemin ils vont emprunter. Je vais m’immiscer avec mon équipe dans le quotidien de leur création à deux mains, à deux esprits, à deux regards, à deux voix, renouant ainsi avec le cinéma direct tel que j’ai pu le pratiquer dans « Bagad », « La bonne longueur pour les jambes », ou plus récemment « Avec Dédé ».

Notes d'intention et entretien avec le réalisateur


 

Séances

Ce film a été programmé en 2018 dans les cinémas associatifs suivants :
• Le Pouliguen, Cinéma Pax
• La Turballe, Cinéma Atlantic
• Saint-Philbert-de-Grand-Lieu, Cinéphil