Nous, princesses de Clèves

de Régis Sauder



France, 2009, 1h09 • documentaire
avec Abou Achoumani, Laura Badrane, Morgane Badrane

Nous, princesses de Clèves

Film soutenu par l'ACID

L'action se déroule en 1558, à la cour du roi Henri II. Mademoiselle de Chartres, devenue Princesse de Clèves après son mariage, rencontre le Duc de Nemours. Naît entre eux un amour immédiat et fulgurant, auquel sa mère la conjure de renoncer. Aujourd'hui à Marseille, des élèves du Lycée Diderot s'emparent de La Princesse de Clèves pour parler d'eux. A 17 ans, on aime intensément, on dissimule, on avoue. C'est l'âge des premiers choix et des premiers renoncements.

Devant la caméra sensible de Régis Sauder, des élèves de Terminale du Lycée Diderot de Marseille, nous donnent à entendre avec intelligence et gourmandise des extraits de La Princesse de Clèves, preuve que Mme de Lafayette a su gagner leurs cœurs.

Avec Nous, Princesses de Clèves, le réalisateur choisit avant tout de nous faire partager une expérience cinématographique : accompagner des lycéens dans l’appropriation progressive d’un très grand texte français sur l’amour. C’est en très gros plan que ces jeunes disent et incarnent le texte. On assiste petit à petit à un phénomène d’identification dans cette mise en bouche, à l’éclosion de princesses de Clèves et de comtes de Nemours multicolores, dans une interprétation d’une étonnante justesse.

Le texte, également mis entre les mains des parents, lu et commenté par eux, « objet transitionnel », comme le dit Régis Sauder, entre l’adolescent et eux- mêmes, est révélé par la mise en scène dans sa véritable fonction : il libère la parole, et ouvre la vie par l’accès à l’Autre. Rien ne va de soi pour personne dans la grande affaire de l’amour et de la sexualité, du mariage et de la famille, comme de la séparation d’avec la mère, de l’entrée en société. Le bac est-il une forme de passage initiatique ? La question est suggérée. Comment sortir du giron, avec quel bagage faire le grand saut ?

Peu de commentaires sur l’institution qui est le cadre de fond de l’expérience. Une séquence charnière du film, un exercice de bac blanc dans un face à face avec un professeur, nous en dira les limites. Mais on comprend bien que sans ce cadre, sans les professeurs de français par exemple, rien n’aurait pu avoir lieu.

Et si tant d’émotion nous vient de cette harmonie entre une voix qui atteint à la quintessence du classicisme français et celle de ces lycéens, c’est le signe d’une grande justesse de perception. Car rien ne sépare de fait ces voix, elles sont de même nature... L’auteur l’a profondément compris et se montre particulièrement fidèle à cette intime conviction, subtil et rigoureux dans sa manière d’en faire découler une écriture en cinéma. Ce lien qu’il perçoit entre les voix est scrupuleusement restitué par le son, le cadre, le montage. Le texte, les visages, la parole, les lieux de vie, les parents... Tout est lié par le sujet central, par lequel le film procède et vers lequel il s’ouvre : l’amour.


Dominique Pernoo et Marianne Neplaz, cinéastes, ACID


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