Quai des orfèvres

de Henri-Georges Clouzot



France, 1947, 1h45
avec Louis Jouvet, Suzy Delair, Bernard Blier

Quai des orfèvres
Jenny Lamour, chanteuse de music-hall douée, ne manque pas d'ambition. Elle accepte l'invitation à dîner de Brignon, homme riche et puissant qui peut l'aider dans sa carrière malgré l'opposition de Maurice, son époux. Jaloux et se croyant trompé, Maurice se précipite chez Brignon pour découvrir son rival assassiné.
 
Le regard de Clouzot, dont on a si souvent reproché le cynisme et la misanthropie, se révèle ici plein d'humanité et de compassion et le film est presque une apologie de l'amour et de la solidarité dans un monde veule. Jenny ne pourrait être qu'une femme fatale arriviste, elle est en fait folle d'amour pour son Maurice. L'inspecteur Antoine est également, sous ses dehors secs et tranchants, un homme qui n'a d'yeux que pour son petit garçon noir qu'il élève seul. Tous les personnages secondaires sont à l'avenant, de l'amie d'enfance de Maurice, Dora, à un chauffeur de taxi contraint de témoigner devant la police et qui soulève la douleur et le mal-être du petit peuple. Clouzot, à peine sorti d'une période d'interdiction de filmer par le Comité de Moralisation du Cinéma français (il a été soutenu par Camus et Sartre alors qu'il demande en 1946 la révision de son procès), semble revenir à son rôle de « maître du policier » mais livre sous le manteau une œuvre complexe, brisant même à l'occasion le tabou de l'homosexualité féminine (l'inspecteur Antoine dit à Dora : « Vous êtes un type dans mon genre, avec les femmes vous n'aurez jamais de chance »). A la vision de Quai des Orfèvres, il est évident que Clouzot ne peut être limité au seul cinéaste nihiliste que l'on a dépeint avec force caricature. Si sa vision de l'humanité est souvent dure et sans appel (L'Assassin habite au 21, Le Corbeau, Les Diaboliques), son cinéma est aussi emprunt d'humanisme. Refusant les frontières toutes tracées entre le bien et le mal (volonté très clairement explicitée dans une fameuse scène du Corbeau), il filme juste ses contemporains avec une lucidité qui est souvent passée pour un pessimisme forcené.

Olivier Bitoun, DVDClassik


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