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Tous les autres s'appellent Ali

de Rainer W. Fassbinder



Allemagne (RFA), 1973, 1h33, VOSTF
avec Brigitte Mira, El Hedi Ben Salem
 

Tous les autres s'appellent Ali
Tous les autres s'appellent Ali
Ce film est programmé dans le cadre du cycle des Grands Classiques 2019-2020 :
Images du collectif : survie, lutte et solidarité (livret PDF)

Parce qu’il pleut fort, une femme d’une soixantaine d’années, attirée par une musique inconnue, entre dans un bistrot fréquenté par des travailleurs émigrés. Un marocain, plus jeune qu’elle, l’invite à danser…
Pour son neuvième film de cinéma, Fassbinder reprend un fait divers raconté par un personnage de son film Le Soldat américain, sorti trois ans aupara-
vant, en en éliminant la fin tragique. Entretemps il a vu Tout ce que le Ciel permet, de Douglas Sirk, le cinéaste considéré comme le maître du mélodrame et qui est sa référence absolue. Dans ce film une veuve défie les bien pensants de sa ville de Nouvelle Angleterre en affichant son amour pour un jardinier, donc d’une classe inférieure et de surcroît beaucoup plus jeune qu’elle. Fassbinder fait de son héroïne une femme de ménage qui tombe amoureuse d’un travailleur émigré et qui défend bec et ongles son amour, sorte de Mère courage qui se dresse contre les préjugés racistes et xénophobes qui n’épargnent personne, ni sa famille, ni ses collègues, ni les travailleurs allemands.

Il intègre l’action dans le contexte très précis du "miracle économique" de la RFA, sans oublier les petites touches qui rappellent le passé nazi de certains personnages, avec au passage un rappel en forme de clin d’œil sur l’endroit où se situe l’action avec un repas sinistre et glacé "là où mangeait Hitler".

Le titre français, qui n’est pas la traduction du titre allemand, est néanmoins pertinent car il reprend une réplique du film qui traduit le mépris globalisant pour tous les étrangers tandis que le titre allemand, littéralement "Peur dévorer âme", autre réplique du film, donne l’autre point de vue.

On retrouve dans ce film nombre des acteurs familiers de l’univers de Fassbinder, dont sa mère, Lilo Pempeit. Cela contribue à créer une sorte d’effet de troupe qui rejoint une certaine théâtralité de la mise en scène. Ce parti-pris est accentué par les longs plans fixes aux couleurs très expressives – on pense au café – et aux cadrages jouant de la profondeur de champ et des sur-cadrages par des portes ou des cloisons : l’insistance sur les personnages, leurs rapports dans l’espace et leurs regards donne à l’anecdote une dimension tragique.

Ce qui, à certains moments, peut apparaître comme manichéen – le chœur des racistes, des fils aux collègues des deux protagonistes – est compensé par la générosité, l’empathie et l’humanité de la protagoniste dont on ressent le combat non comme idéologique mais comme profondément vécu. Il faut dire que le personnage doit beaucoup à l’interprète Brigitte Mira à qui Fassbinder confiera encore le rôle titre pour Maman Küsters s’en va au ciel en 1975. Notons enfin le petit hommage qu’il rend au passage à un autre cinéaste, Max Ophuls, dont il met en exergue de son film la dernière réplique du Plaisir : "Le bonheur n’est pas toujours très gai."

Extrait du livret d"accompagnement 2019/2020 (Céline Soulodre, Guy Fillion)



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